Une voiture décharnée est entreposée devant le petit magasin de Maninga Mory. Reste le capot, les deux sièges avant, le volant, mais, l’arrière du véhicule a été désossé et le moteur extirpé. Maninga est vendeur de pièces détachées de voitures allemandes : jantes, boites de vitesses, pare-choc, moteurs, il récupère les pièces sur d’autres véhicules et passe également commande en Europe, lorsque les pièces recherchées pas ses clients sont introuvables. Mais en cette période préélectorale, il a choisi de stopper toutes les commandes à l’étranger, de peur de ne pas pouvoir récupérer sa marchandise, comme en temps normal. « Parce que mes pièces détachées, je les achète en Europe. Mais s’il y a les problèmes, s’il y a la politique, si mon conteneur vient, comment je vais le dédouaner ? » Moins de pièces à vendre, c’est un chiffres d’affaires en baisse. Le vendeur spécialisé regrette qu’à chaque élection, l’économie du pays pâtisse des problèmes politiques. « S’il y a les problèmes partout à gauche à droite, et que ceux qui doivent investir ne sont pas là. Moi je fais comment ? Ou bien ? S’il n’y a pas d’activité, que mon magasin est fermé et toi par exemple toi voiture est gâtée, comment tu vas avoir les pièces, tu peux pas les avoir » D’après Séraphin Prao, professeur d’économie à l’université de Bouaké, contacté par téléphone, « le pays risque de perdre 4 à 5 % de croissance si la situation se détériore comme en 2010 »; il estime que la crise institutionnelle actuelle a déjà un effet sur les décisions des acteurs économiques. Conscient de ce risque, le vendeur de pièces détachées lance un appel au calme dans les rayons de son magasin. « Le seul conseil que je peux donner à la jeunesse aujourd’hui, il est mieux de laisser les politiciens à leur place. S’il y a des élections, il est mieux de donner ta voix, tranquillement, que de donner ta poitrine sur la route. Parce que quand ça va se gâter, c’est nous-même que nous allons regarder ici. Eux, leurs enfants sont en Europe, ils ont tout. Nous qui sommes en Afrique, c’est nous qui souffrons. C’est nous qui allons nous entretuer : mon voisin, ma voisine. » L’élection présidentielle doit se tenir le 31 octobre 2020. Maninga Mory veut encore croire à une solution politique et pacifique entre les différents protagonistes de la course à la magistrature suprême.
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