Habituellement, la trêve des expulsions locatives intervient le 30 mars, mais elle avait été exceptionnellement prolongée de trois mois en raison de l’état d’urgence sanitaire. Le gouvernement français a prévenu les préfectures : pas d’expulsion sans relogement. Pourtant, les associations craignent de voir le nombre de sans abri augmenter cet été. Illustration à Marseille où la situation se dégrade un peu plus chaque semaine. L’accueil de jour de la fondation Abbé Pierre vient de rouvrir dans le IIIe arrondissement, un des quartiers les plus pauvres de France. Plusieurs dizaines de sans-abri viennent s’y reposer, discuter, en prenant un café. Mohamed, 56 ans, est arrivé d’Algérie il y a plusieurs années. Depuis une semaine il a trouvé une place dans un foyer. Mais lundi prochain, il devra quitter sa chambre. « Il faut que je parte lundi matin, et que j’appelle le 115. Ils peuvent me dire “oui”, comme ils peuvent me dire “non”. S’ils me disent “non”, je suis dans la précarité. C’est difficile pour quelqu’un qui a de l’hypertension, du diabète aussi. Heureusement qu’on a la force morale, sinon, on est cuit », dit-il, en gardant un semblant de sourire malgré l’échéance. La crainte de se retrouver à la rue pendant l’été Le 115, le numéro de téléphone du Samu social, n’est malheureusement plus très efficace pour trouver un hébergement d’urgence à Marseille. « Il n’y a plus aucune place d’hébergement d’urgence depuis des semaines, et le 115 ne répondra pas plus pendant l’été », prévient Dominique Azebrouck, responsable de l’accueil de la Fondation Abbé Pierre. « Donc une personne qui n’a pas accédé à une mise à l’abri pendant la crise du Covid-19 à Marseille est dehors pour des semaines ou des mois sans aucune possibilité de solution », déplore-t-elle. ► À écouter aussi : Après la crise sanitaire, vers une crise sociale et alimentaire ? Nabil, sa femme et ses quatre garçons craignent de se retrouver dans la rue cet été. Délogés après l’incendie de leur squat il y a un mois, ils dorment aujourd’hui dans deux petites chambres d’hôtel, seulement jusqu’au 30 juillet. « J’ai peur de l’expulsion de l’hôtel, j’ai peur de l’expulsion d’ici… Mes enfants sont intégrés, ils vont à l’école. Après le 30, nous sommes dehors. Seul, je peux dormir dehors, mais avec ma femme et les enfants ce sera très dur comme ça… », craint-il. « On n’a plus de solution alors que la précarité explose » 1 170 places d’hébergement d’urgence ont été ouvertes pendant le confinement. Désormais, Florent Houdmon, directeur de la Fondation Abbé Pierre à Marseille, redoute une catastrophe. « Avant même le confinement, on était dans une ville où il n’y avait plus aucun logement. 100 000 personnes vivent dans un habitat indigne. Aujourd’hui, alors que le sans-abrisme augmente, qu’on a beaucoup de gens qui se retrouvent en impayés de loyers à cause de perte de ressources, etc., quelle solution de relogement va-t-on pouvoir proposer à tous ces Marseillais ? », se demande Florent Houdmon. « Aujourd’hui, vraiment, on est dans une situation où tout est asphyxié, on n’a plus de solution alors que la précarité explose. » Sur la célèbre Canebière le soir, tous les cinquante mètres des personnes dorment à même le bitume. Dans la ville en 2016, près de 14 000 personnes avaient fréquenté au moins une fois un hébergement d’urgence sociale. Depuis, toutes les structures d’accueil ou associations venant en aide aux sans-abri ont observé une augmentation de la fréquentation.
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