Avec 50% de la production internationale, la région Normandie est la championne du monde du Lin. Une filière lucrative mais très dépendante des exportations vers les pays asiatiques. La Chine et l’Inde, où se trouvent la majorité des filatures dans lesquelles le lin est transformé en vêtements, représentent à elles deux 80% des commandes. Conséquence de la crise sanitaire actuelle, en particulier des restrictions de circulation, le secteur fonctionne au ralenti et s’inquiète pour son avenir. D’habitude, avec une rentabilité trois fois supérieure à celle du blé, le lin, c’est la paille d’or de son exploitation de polyculture élevage, mais cette année Richard Bellengréville va devoir faire sans les revenus de cette activité lucrative et relativement peu chronophage : « Les Chinois étaient nos plus gros acheteurs, explique l’agriculteur basé à Baromesnil (Seine-Maritime). Comme ils n’achètent plus, on ne peut plus faire transformer nos lins, ce qui veut dire que les lins produits l’an dernier ne seront travaillés que l’an prochain. Ce qui a été semé cette année sera travaillé dans deux ans. Il va falloir trouver énormément de moyens de stockage pour pouvoir garder toute cette culture ». Avec des stocks importants, Richard Bellengréville s’attend aussi à voir sa production perdre de la valeur : « On a reçu récemment des courriers nous indiquant que le prix allait chuter peut-être de moitié. Du bon lin qui se vendait quatre euros le kilo l’an dernier vaudra deux euros l’an prochain ». Une solution : la relocalisation des filatures Dans ce contexte se pose la question de la dépendance aux exportations, avec comme solution la relocalisation des filatures, souhaitée par de nombreux producteurs de la région, et plus largement par tout un écosystème : « Aujourd’hui, on serait capable de remettre des filatures en place et de travailler le lin, assure Jérôme Lefrançois, responsable d’une coopérative agricole. On a le savoir-faire, mais on n’a plus les capacités depuis que les usines ont fermé. » La relocalisation des filatures, c’est d’ailleurs l’idée récemment portée devant le ministre de l’agriculture par cinq élus, dont Xavier Batut, député (LREM) de Seine Maritime. Selon lui, en plus de protéger une filière qui rassemble en Normandie 4 000 producteurs et 1 000 salariés, cela permettrait de répondre à plusieurs enjeux du moment : « C’est une culture qui a un faible impact direct sur l’environnement, en dehors de l’empreinte CO2 due aux exportations de filasses vers l’Asie et aux importations ensuite de produits finis. Cette crise met en avant la volonté des Français de consommer « Made in France » en filière courte, donc il y a un réel enjeu autour de la filière lin. » A l’étude, aussi, une diversification des débouchés : en plus du secteur textile, le lin pourrait par exemple remplacer le plastique voire être utilisé dans l’industrie automobile.
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