CHANTS
« Les Vêpres » de Serge Rachmaninov (opus 37), par le Choeur National de l’URSS, sous la direction d’Alexandre Svechnikov – enregistrement de 1965 – Harmonia Miundi, collection « Le Chant du Monde ».
INTRODUCTION de Victor Loupan
La paternité chrétienne (1/3)
« Je fléchis les genoux, en présence du Père, de qui toute paternité, au ciel comme sur la terre, tire son nom… » Saint Paul ! Quelle lumière ! C’est aux Ephésiens qu’il dit ça, pour les encourager à affronter les épreuves. Cette phrase de St Paul permet de comprendre le commandement du Christ : « Ne donnez à personne sur la terre le nom de Père, car il n’est pour vous qu’un seul Père, Celui des cieux. » Grâce à St Paul, nous comprenons qu’il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a plus de père, comme le croit notre société déboussolée. La paternité existe bien, sur terre comme au ciel. Père de famille, prêtre ou père spirituel, la paternité est là. Mais elle ne vient pas de nous ! St Jean Chrysostome disait que les riches sont les intendants de l’argent des pauvres. De même, nous qui sommes pères, nous sommes les suppléants, sur terre, du Père céleste. En une phrase, St Paul dévoile la différence radicale qui existe entre la paternité chrétienne, et celle du Pater Familias romain qui avait droit de vie et de mort sur ses enfants. Paul qui était citoyen romain, connaissait bien cette réalité-là. Nous y sommes d’ailleurs revenus d’une certaine manière, puisqu’aujourd’hui un enfant n’a le droit de vivre que s’il est l’objet d’un « projet parental » et qu’on peut même le fabriquer sur mesure, soi-disant sans père, et le rejeter s’il ne correspond pas au contrat…
Oui, assumer sa paternité est de plus en plus difficile, dans une société qui la dénigre et l’efface. Voilà pourquoi, il est important de se souvenir de ce qu’est la paternité chrétienne. Et c’est ce que nous allons faire pendant quelques semaines.
EVANGILE ET HOMELIE par le Père Marc-Antoine Costa de Beauregard
La pêche miraculeuse (Luc 5, 1-11)
En ce temps-là Jésus se tenait au bord du lac de Génésareth et la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu. Jésus vit deux barques sur la rive : les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans l’une des barques, qui appartenait à Simon, et pria celui-ci de s’éloigner un peu du bord. Il s’assit dans la barque et se mit à enseigner la foule. Quand Il eut fini de parler, Il dit à Simon : « Avance la barque à un endroit où l’eau est profonde, puis, toi et tes compagnons, jetez vos filets pour pêcher ». Simon lui répondit : « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. Mais puisque Tu me dis de le faire, je jetterai les filets ».
Simon et ses compagnons jetèrent donc leurs filets et prirent une si grande quantité de poissons que les filets commençaient à se rompre. Ils firent alors signe à leurs compagnons qui étaient dans l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent et ils remplirent les deux barques de tant de poissons qu’elles enfonçaient dans l’eau. Quand Simon Pierre vit cela, il se mit à genoux devant Jésus et il dit : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! »
Simon, ainsi que tous ceux qui étaient avec lui, étaient en effet saisis de stupeur, à cause de la grande quantité de poissons qu’ils avaient prise. Il en était de même des compagnons de Simon, Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Mais Jésus dit à Simon : « Rassure-toi ; dès maintenant, ce sont des êtres humains que tu prendras. » Ils poussèrent alors leurs barques à terre, laissèrent tout et suivirent Jésus.
* * *
Homélie. Le message de notre Sauveur et Seigneur Jésus Christ est aujourd’hui comme toujours une promesse de plénitude. La pêche surabondante est l’emblème de fruits totalement gratifiants que récolte celui qui s’immerge par une prière de foi dans les profondeurs abyssales de leur propre cœur. Le Christ nous invite à nous immerger dans la mer intérieure où Il a préparé ses dons. Nous n’avons pas seulement rendez-vous avec lui sur le rivage, à l’extérieur de notre cœur, sur la berge de notre conscience. Non : c’est Lui-même qui veut nous nourrir par l’abondance d’une pêche charismatique. C’est Lui qui a préparé pour chacun de nous, dans les profondeurs de nous-mêmes une rencontre divino humaine, un banquet mystique, une abondance à rompre les filets, une richesse divine qui dépasse nos possibilités humaines de compréhension, d’appréhension et de conservation. Ce que le Seigneur nous promet de trouver par cette pêche dans les eaux profondes de notre âme et de notre cœur est incommensurable avec nos capacités ; nous sommes dépassés, débordés par la grâce, la miséricorde et la générosité divines ! Nous ne pouvons que glorifier puisque nous ne pouvons tout saisir ! Dieu est incompréhensiblement généreux, comme le montre le foisonnement de toutes les espèces de la Création, tous les modes de l’être créé, le dénombrement impossible des anges ; le catalogue sans fin des créatures de toutes sortes, non seulement angéliques et humaines, mais encore animales, végétales et minérales. Les savants n’ont pas fini d’étendre comme un filet de pêche, le champ de leur exploration et de leur connaissance. Les astronomes découvrent de nouvelles étoiles chaque jour ! Et, en nous-mêmes, si, par le charisme de l’obéissance, nous acceptons de plonger encore et encore dans l’océan de notre cœur, nous découvrons sans cesse d’indéfinies nuances de bonheur en Dieu, les multiples modulations de la grâce divine, les innombrables dons du Saint Esprit que le Verbe désigne à notre quête. Le Verbe est sur la berge ; l’Esprit est dans les profondeurs ; mais les poissons multicolores que l’Esprit nous offre sont les pensées, les inspirations, les décisions libres, les projets d’action agréable au Fils de Dieu et donc au Père, Chef suprême de cette pêche miraculeuse. Toutefois, comme pour les apôtres, il est pour nous l’heure de quitter le lac de l’intériorité, sa profondeur et sa belle surface, pour mettre pied à terre et suivre notre Maître où Il va et nous conduit. Ainsi, toute expérience profonde de la prière débouche sur l’action divino humaine, sur une vie agréable à Dieu et au prochain. Suivre Jésus après nous être nourris des dons divins enfouis dans nos profondeurs ne veut pas dire autre chose que faire sa volonté et collaborer avec lui pour la manifestation de l’amour du Père parmi les hommes. Notre vocation de disciples de Jésus est incontestablement une vocation mystique : et celle-ci recèle les motifs profonds de notre foi en Jésus Sauveur et Seigneur et de notre obéissance libre à sa double volonté divine et humaine. Tel est le programme pour la belle année qui commence !
SAGESSE DES PERES par Victor Loupan
La sagesse féminine (1/2)
Les hommes tentés par les femmes aiment à reporter sur elles leur péché en les traitant de filles d’Eve. Mais Jean Moschos nous rapporte ici deux récits qui montrent que la tentation vient du diable et non pas de la femme. Voici le premier, écoutez bien :
« Un moine, ayant été mordu par un serpent, se rend en ville pour se faire soigner. Il est reçu par une femme pieuse qui craint Dieu. Elle le soigne. La fièvre baisse et le moine commence à se sentir mieux. Et voilà que le diable fait naître en lui des pensées coupables pour cette femme et lui donne envie de lui toucher la main. Mais à peine a-t-il effleuré la femme que celle-ci comprend ce qui arrive au pauvre moine et elle lui dit : ‘‘Père, ne méprise pas ainsi le Christ ! Songe à la souffrance et à la pénitence qui seront tiennes quand tu seras assis dans ta cellule ! Pense aux gémissements que tu pousseras ! Pense aux larmes que tu verseras !’’ Et la femme continue sur cette lancée. Petit à petit, le moine s’apaise et la tentation s’efface. Saisi de honte, il veut s’enfuir, car il est incapable de regarder la femme en face. Mais elle, toute habitée par la miséricorde du Christ, lui dit : ‘‘N’aie pas honte, tu as encore besoin de soins. Ce n’est pas ton âme pure qui a eu ce désir. C’est le diable jaloux qui l’a mis en toi.’’ Elle continua de le soigner sans aucun trouble ; puis, elle le laissa repartir, avec des provisions pour la route. »
C’est un beau récit. Finalement très pur, car effectivement le moine s’est vite repris. Dans le second récit, ce n’est pas pareil et c’est dans sa propre humiliation que l’humble femme trouvera son salut, écoutez bien :
« Un frère était souvent envoyé en mission au village pour son monastère. Dans ce village vivait un laïc, un homme très pieux, chez qui le moine demeurait chaque fois qu’il était envoyé au village. Or, cet homme avait une fille, encore jeune, veuve depuis peu, après avoir vécu un an ou deux avec son mari. Et voilà que le moine, habitué à se rendre chez eux, entre en tentation et se met à penser à elle, nuit et jour. Mais la jeune femme est intelligente et elle se rend compte de son trouble. Elle fait donc en sorte de ne pas se trouver en sa présence, quand il vient. Mais un jour le père doit partir à la ville pour régler une affaire et il laisse sa fille seule à la maison. Justement ce jour-là le frère arrive du monastère. Il lui demande où est son père. ‘‘Il est parti à la ville’’, répond-elle. Quand il comprend qu’il est seul avec elle dans la maison, il est aussitôt saisi par la tentation et se précipite sur elle. Elle lui dit, avec sagesse : ‘‘Ne sois pas troublé. Mon père ne rentrera que tard ce soir. Ainsi, nous sommes tous les deux. Mais je sais que vous, les moines, vous ne faites rien sans prière. Lève-toi donc et prie Dieu. Puis tout ce qu’Il inspirera à ton cœur, nous le ferons.’’ »
Nous verrons la fois prochaine quelle fut la réaction du moine à cette sage suggestion.
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